Salut à tous !
Nous y voici enfin, plus que 2 jours avant de pouvoir à nouveau profiter des berges de nos rivières à truites sauvages.
Des mois que l’on attendait ça et samedi sera à n’en pas douter, une effervescence au bord de l’eau.
Pour ma part, c’est avec impatience que j’aborde ces derniers jours sans pêche, j’ai vraiment hâte de retourner le long des rivières.
Je souhaiterai toutefois vous faire part de quelques réflexions et, pourquoi pas, d’inquiétudes sur la pêche à la truite en France et sur les changements intervenus au cours des dix dernières années, tant sur la réglementation que sur la qualité de la pêche et des rivières. Tout cela, tiré de ce que je peux voir jour après jour au bord de l’eau. En toute humilité, je souhaite surtout vous proposer quelques recommandations éthiques à suivre pour que nous puissions encore longtemps profiter des merveilles que nous offre encore la nature.

Depuis 3/4 ans, les fédérations de pêche et AAPPMA ont réalisé un travail fantastique quant à la réciprocité qui nous permet, aujourd’hui en Alsace, de pêcher à peu près toutes les portions « à truites » de la région, avec une seule carte de pêche à 100€. Je salue bien entendu ce travail qui offre beaucoup plus de liberté aux pêcheurs. Déjà tout gamin nous parlions de ça entre amis sans imaginer qu’un jour une telle possibilité existerait ! C’est donc un grand pas en avant pour la pêche.
Mais, car il y a toujours un mais, ce système réciprocitaire est encore très jeune. C’est tout nouveau et donc chacun en profite (moi compris), et c’est bien normal. Comme toutes les nouveautés, il implique forcément certaines dérives isolées, qui risquent à terme de compromettre l’ensemble du système. C’est un sujet sensible car compliqué à expliquer sans briser de tabou et sans passer pour un hurluberlu extrémiste, sans brusquer certaines sensibilités aussi.
Je m’explique, l’argument très largement utilisé pour convaincre les AAPPMA d’intégrer la réciprocité a été qu’un pêcheur ne peut se trouver sur tous les parcours en même temps. S’il pêche un jour sur la Fecht par exemple, il ne pêche pas sur la Bruche ce même jour. La pression de pêche n’est donc pas multipliée.
C’est vrai en théorie, mais puisque la nature ne répond qu’à ses propres règles, nous savons bien que l’activité des poissons varie d’une rivière à l’autre, d’un jour à l’autre et, en pêchant souvent, on voit bien que certaines rivières sont très actives à un moment de la saison, d’autres rivières plus tard ou plus tôt. La dérive que j’observe régulièrement consiste donc à profiter de chaque parcours au moment où il est le plus faste et donc malheureusement, à cumuler les prises et surtout les prélèvements en se déplaçant d’une rivière à l’autre. Une rivière, ou à plus juste titre une portion de cours d’eau, ne peut produire annuellement qu’un nombre limité de truites prélevables (c’est à dire dépassant la taille minimale autorisée, la maille). Lorsque les pêcheurs qui ne pêchent qu’un parcours ont prélevés toutes ces truites sur le parcours (si si, croyez bien que cela arrive plus régulièrement que l’on croit), il n’y a donc plus de prélèvement de la part de ces pêcheurs (ce qui était le cas avant les réciprocités). Or s’ils peuvent prélever ailleurs grâce à la réciprocité, les prélèvements continuent sur les truites prélevables des autres parcours, l’addition a donc bien lieu à l’échelle de cette même réciprocité.
Ce n’est que pure liberté de s’autoriser cela me direz-vous, et je suis parfaitement d’accord, d’autant que rien ne l’interdit. Mais l’impact n’est pas négligeable et dans le contexte actuel de diminution de la qualité des populations de truites en France, rien ne prouve que ce système est viable à long ou même moyen terme.
Pour que l’on se comprenne bien, je ne prétends pas que la réciprocité impacte négativement les populations de truites en Alsace, je me répète, j’en profite moi-même très largement surtout vu mon métier (bien qu’en guidage, nous relâchons 100% des truites sauvages). Ce qui pause problème, c’est l’augmentation des potentiels (et avérés!) prélèvements qu’elle permet.
La solution serait donc simple, il faut s’astreindre à ne pas trop prélever les truites. Quelques unes c’est bien, mais trop que de raison anéantira l’avenir de nos rivières.
Autre aspect qui hérissera sans doute certains mais que j’ai tellement observé et qu’il m’est donc facile d’assumer partager, c’est que la jeunesse de la réciprocité permet très facilement à des pêcheurs qui n’avaient jamais pêché la truite sauvage auparavant, de s’adonner à sa pêche sur les rivières du massif, sans encore tout savoir de ces poissons et de leur fragilité.
L’Alsace jouit d’une forte culture de pêche en étang, dans lesquels « nous » (les AAPPMA) déversons des truites de pisciculture afin qu’elles puissent être pêchées chaque dimanche dans une ambiance bon enfant et où les forts prélèvements sont autorisés (pas de loi pêche en eaux closes) et coutumiers. Lorsque l’étang est vide, on remet des truites et c’est reparti.
Je n’ai rien de fondamentalement opposé à ce type de pêcherie, j’ai moi-même appris très jeunes à pêcher mes premières truites dans ces endroits. Cependant, ce type de pêche n’apprend rien sur la fragilité des milieux et la réalité des rivières à truites et des risques qui pèsent sur elles. En rivière, lorsqu’il n’y a plus de truites, il n’y a plus de truite, point final.
Pour les nombreux pêcheurs qui n’aurait jamais pêché QUE dans ces étangs et qui grâce à la réciprocité vont pêcher les rivières à truites sauvages, l’apprentissage prendra du temps et je vois encore aujourd’hui trop de pêcheurs (surtout les jours qui suivent l’ouverture), pêcher en rivière comme en étang, sans vraiment avoir conscience du danger de ce comportement.
La majorité d’entre eux, à qui la pêche en rivière plait réellement, sera un jour ou l’autre plus sensible au fait de prélever raisonnablement et de manipuler les poissons avec respect. Ce n’est malheureusement pas encore le cas pour l’ensemble d’entre eux (toujours à cause de la jeunesse de la réciprocité).
Je conviens que dire cela pourrait faire croire que je classifie ou catégorise les pêcheurs. Ce n’est pas le cas, je respecte toutes les pêches et tous les pêcheurs, mais je ne peux m’empêcher de croire (à force de le voir au bord de l’eau) que c’est la réalité et que la nier n’apporte rien. Pour avancer, il faut connaitre les limites de notre loisir. C’en est une grosse et beaucoup de pédagogie sera nécessaire pour améliorer les comportements de chacun.

La conclusion que j’aimerai faire passer de mon message sur la réciprocité et les prélèvements est que ce système est vraiment génial et que je suis content qu’il existe car il permet à tout le monde de découvrir les beautés halieutiques de nos régions. Par contre, il est entaché des dérives précédemment exposées qui devraient et pourraient être évitées avec un effort de pédagogie et de réglementations adaptées. Les instances de la pêche ont lancé la réciprocité sans l’accompagner suffisamment de ces mesures pourtant nécessaires. C’est donc à nous pêcheurs d’en prendre conscience de d’adapter nos comportements à la qualité des populations de truites de nos rivières. Force est de constater que cette qualité baisse depuis une bonne dizaine d’année. Nous manquons d’eau l’été partout en France, le climat se réchauffe, il y a de moins en moins d’insectes pour nourrir les truites. Pour faire simple nos truites sont menacées par des aspects qui n’ont rien à voir avec la pêche. A nous pêcheurs de ne pas les affubler d’un impact supplémentaire.
Si vous me le permettez encore après ce long paragraphe, voici quelques humbles recommandations qu’il m’est habituel de faire à mes clients lors des guidages et qui permettent de ne pas faire trop de mal aux poissons :
- La truite c’est bon à manger et il serait dommage de ne jamais en profiter. Prélever 5 ou 6 truites par an n’est pas un crime dans notre région. Cela fait aussi parti pour certain du plaisir de la pêche. Les prélèvements plus réguliers par contre sont vraiment à éviter. Sur certains parcours leur impact négatif est vraiment visible et il n’y a plus que des petites truites (de taille inférieure à la maille…)
- Idéalement, je vous invite à ne pas prélever de poissons sur les parties basses et moyennes des rivières où les truites sont moins nombreuses et où l’impact du prélèvement se ferait plus fort. Par exemple sur la Fecht, il est mieux de ne pas trop prélever en aval de Munster, sur la Bruche en aval de Wishes, etc..
- Contrairement aux idées reçues, les grosses truites (>35/40cm) sont d’excellent reproducteurs et bénéficient d’un patrimoine génétique à conserver (grâce auquel elle peuvent vivre longtemps et grossir dans nos rivières). Il est donc préférable de les relâcher le plus souvent possible.
- Respecter les parcours « nokill » (obligation de relâcher les truites), ils sont mis en place pour le bien des populations de truites.
- C’est toujours mieux de pêcher avec des hameçons SANS ARDILLON et plutôt avec des hameçons SIMPLES qu’avec des triples (notamment aux leurres). Une truite n’est pas un brochet, c’est extrêmement fragile et il faut en tenir compte.
- Limiter au maximum les manipulations des poissons que vous souhaitez relâcher.
- Pour abréger les combats, c’est toujours mieux d’avoir une épuisette.
Voilà, j’espère ne pas vous avoir fait mal au crane avec tout ça mais croyez moi, c’est vraiment important pour le bien des populations de truites sauvages en Alsace/Vosges. Rien n’est inépuisable dans la nature, il faut la préserver.
Je vous souhaite à tous beaucoup de plaisir au bord de l’eau !
Mathieu ROMAIN
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Bravo Matthieu pour ce bel article tellement réaliste !
Je suis également révolté par le nombre de déchets (boîte de verres vides, pochette d’hameçons …) jetées au bord des rivières par des personnes qui soit disant sont amoureux de la nature !
Merci Jean Michel !
Effectivement, certains comportements sont aussi incompréhensibles que révoltants. Pourtant la sensibilisation à l’écologie est dans l’aire du temps mais tout le monde n’y adhère pas encore…
Oui c’est très juste cette analyse
Pour moi aucun prélèvement de truite
Sauvage .
Et si je mets des photos je donne pas le Nom de la rivière .